19 Juil Cover Choc ! #5 🔞 Le bikini américain
Érotisme, nudité, signes religieux, ou encore droits à l’image… La pochette de disque regorge d’anecdotes et d’histoires en tout genre. Au fil des années, bon nombre d’artistes et de groupes ont volontairement (ou involontairement) provoqué les bonnes mœurs et le conformisme. Voici un florilège des pochettes de vinyles que l’histoire a retenues au fil de ces dernières années pour le scandale et la censure qu’elles ont générés.
Episode #5 : le bikini américain
« Amorica », The Black Crowes (1994)
En 1994, le groupe The Black Crowes en est déjà à son troisième album studio, l’un de ses meilleurs, diront les puristes, enregistré dans les mythiques studios de Sound City. Dignes successeurs d’un Blues Rock à la Lynyrd Skynyrd et influencés entre autres par l’univers des Allman Brothers, ils continueront encore la route durant vingt longues années avant de se dissoudre en 2015. Dans leur discographie, l’histoire du Rock retiendra surtout une de leur pochette, celle de « Amorica ».
« Amorica », c’est un subtil mot-valise, fusionnant ‘Amor’ (amour en espagnol) et ‘America’ (Amérique en anglais) ; autrement dit, l’Amour de l’Amérique. Pour illustrer cela, rien de tel qu’un drapeau aux couleurs des États-Unis sur la pochette de leur nouveau disque. Le chanteur Chris Robinson va alors tomber sur la couverture d’un vieux Hustler, un magazine pornographique américain, qui, pour son numéro ‘spécial bicentenaire’ en Juillet 1976, avait choisi une photographie centrée sur un bas ventre féminin, avec — comme précieux détail — un bikini aux couleurs patriotiques… et quelques poils pubiens qui en sortent. Amusé, Chris y voit comme une image Pop Art, quelque peu psychédélique, jusqu’à finir par lui trouver un côté cartoonesque, comme pourrait l’être une autre pochette qu’il cite volontiers : celle de « Endless Summer » des Beach Boys. Pour lui, la partie la plus discutable de cette photographie est le drapeau lui-même.
Les éditions cassette de l’album « Amorica » (à droite, la version censurée).
Ainsi, ce bikini, conçu sur commande à l’époque par Julie Ann Brady (designer et couturière de son état), s’apprête à connaître une seconde vie en étant choisi pour habiller le troisième album de nos musiciens d’Atlanta. Pour l’anecdote, les parties blanches de ce bikini sont en réalité du tissu provenant de la robe de mariée de la designer. En 1976, Julie sera payée entre 50 et 100 dollars pour sa création par Bob Flora, alors directeur artistique du magazine, tout en sachant que le bikini que l’on aperçoit en couverture n’est seulement que l’un des six bikinis patriotiques que Julie concevra pour Hustler.
Une fois les premiers pressages distribués en Novembre 1994, les disquaires américains n’apprécient pas trop. La pochette choque. L’Amérique est touchée en plein cœur, et plusieurs supermarchés — dont Wal-Mart et K-Mart — refusent de vendre le disque. En Angleterre, la pochette n’est pas non plus appréciée. Paris, quant à elle, la placardera tout de même dans son métro. Mais, dans le reste du monde, l’image divise et ne fait pas l’unanimité. Et bien vite, la pochette-choc au bikini va s’habiller de noir. La version censurée de l’album « Amorica » vient de naître. Seul le bikini triangulaire reste visible ; finis la peau humide du modèle et — surtout — les poils pubiens qui dépassent…
Vingt ans plus tard, de l’eau a coulé sous les ponts, et d’autres pochettes ont depuis soulevé d’autres scandales. À l’heure du bilan, l’album des Black Crowes raflera un disque d’or aux États-Unis en se vendant à 500 000 exemplaires. En Angleterre, il s’écoulera à seulement 60 000 copies, raflant ainsi un disque d’argent. Le magazine Guitar World le classera parmi les cinquante albums les plus iconiques de 1994, et « Amorica » reste — encore aujourd’hui — l’album le plus vendu du groupe. Reste à savoir si l’on doit ce record à leur musique ou bien à cette pochette si particulière… Le débat reste ouvert. En attendant, la fille au bikini reste toujours anonyme.