28 Juin Cover Choc ! #2 🔞 Des femmes nues pour Jimi
Érotisme, nudité, signes religieux, ou encore droits à l’image… La pochette de disque regorge d’anecdotes et d’histoires en tout genre. Au fil des années, bon nombre d’artistes et de groupes ont volontairement (ou involontairement) provoqué les bonnes mœurs et le conformisme. Voici un florilège des pochettes de vinyles que l’histoire a retenues au fil de ces dernières années pour le scandale et la censure qu’elles ont générés.
Episode #2 : Des femmes nues pour Jimi
« Electric Ladyland », The Jimi Hendrix Experience (1968)
Octobre 1968. La liberté sexuelle bat son plein. À moins d’un an de son passage au festival de Woodstock, Jimi Hendrix publie « Electric Ladyland », considéré encore aujourd’hui comme son principal chef-d’œuvre. Si on connaît cet album, ce n’est pas seulement pour sa qualité musicale, mais aussi pour sa pochette légendaire qui fera tourner quelques têtes…
Jimi Hendrix, lui, avait vu les choses autrement. Sa première vision pour la pochette de son album est résolument plus classique ; il imagine une photographie captée à New York, auprès de la statue en bronze d’Alice Au Pays des Merveilles sculptée en 1959, et où il se voit entouré d’enfants aux côtés de ses musiciens Mitch Mitchell et Noel Redding. Concrètement, la session photo aura bien lieu, et sera orchestrée par une certaine Linda Eastman (future Madame McCartney). Tout était alors prêt pour illustrer l’album.
La pochette de « Electric Ladyland » tel que Jimi Hendrix l’imaginait. Elle a été publiée en Novembre 2018 par Legacy.
Mais le label, Reprise Records, voit les choses autrement, et va réussir à éclipser la photographie pensée par Hendrix au profit d’une autre photographie, plus solaire et surtout floue de l’artiste, captée en 1967 par Karl Ferris lors d’un concert. Toutefois, l’histoire ne s’arrête pas là. Si la pochette américaine est bel et bien celle choisie, c’est beaucoup moins le cas du côté de l’Angleterre. Au sein du département artistique de Track Records — le label créé notamment par les Who — on ne reçoit aucun élément graphique pour concevoir et promouvoir l’album. La date de publication approche, et il faut donc rapidement trouver une solution. C’est dans ce contexte que va naître la fameuse ‘Nude Cover’ de « Electric Ladyland ».
Le discours de l’époque exprimé par Jimi va inspirer le label ; à cette période, l’artiste établit clairement un pont entre la musique de son groupe et la religion ; en voulant parler de ses groupies, il déclare que certaines filles sont comme des églises pour eux. D’ailleurs, Jimi détestait le mot groupies et lui préférait largement le terme ‘Electric Ladies’.
De son vivant, Jimi Hendrix ne cautionnera pas la photographie de la pochette anglaise.
En se basant sur ces dires, David Stamp, directeur du label, met alors en contact les photographes David King et David Montgomery avec un gérant de bar clandestin anglais, alors que Hendrix est en déplacement aux États-Unis. Dans ce bar, plusieurs strip-teaseuses se voient proposer un cachet de 5 £ pour apparaître topless sur la photo et 10 £ pour y apparaître complètement nues. En tout, 19 filles vont accepter de poser devant l’appareil, et vont ainsi — sans le savoir — rentrer à jamais dans l’Histoire du Rock. Bien entendu, le shooting sera réalisé en catimini, sans que Hendrix soit au courant et sans son consentement.
Cette photographie, bien plus osée que sa consœur américaine, s’inspirera quelque peu d’un tableau de Jean-Auguste-Dominique Ingres (« Le Bain Turc »). L’une des strip-teaseuses, Reine Sutcliffe, déclarera quelques années plus tard à la revue anglaise Melody Maker qu’elle trouvait la photo plutôt réussie, mais que les filles — dont elle — semblaient vieilles et fatiguées : « Nous avons essayé d’avoir l’air sexy, mais ça n’a pas fonctionné ».
Une des photos captée par David Montgomery en 1968 pour « Electric Ladyland ».
De son vivant, Jimi ne cautionnera pas cette pochette anglaise et ira même jusqu’à lui préférer la pochette américaine, malgré sa déception de n’avoir pas eu gain de cause concernant la photographie captée à Central Park. Mais, près de cinquante ans après sa mort, le label Legacy publiera en Novembre 2018 un coffret vinyle regroupant démos, live audio et Blu-Ray de la période « Electric Ladyland ». Pour la première fois, la photo de Linda Eastman figurait en guise de pochette pour illustrer cet album mythique.
La pochette anglaise, quant à elle, n’a jamais été véritablement censurée, mais tout bonnement refusée par les disquaires anglais qui la jugeaient trop provocante.