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Jacques de All Access : « la tarification des disques du ‘Record Store Day’ est juste exorbitante »

Quelques semaines avant le ‘Disquaire Day’ qui se tiendra le 12 avril, nous avons rendu visite à Jacques, disquaire chez ‘All Access’. Il nous partage sa sélection de vinyles, de ses albums de chevet à ses derniers coups de cœur.

LES RENDEZ-VOUS DU VINYLE

 

‘Les Rendez-Vous du Vinyle’ est une libre antenne participative dédiée au disque vinyle et à la passion musicale. Plus d’infos ICI !

Bonjour Jacques !

JACQUES : Salut !

Comment est né ‘All Access’ ? Et en quelle année ?

J. : ‘All Access’ est né le premier jour de la première édition française du ‘Record Store Day’ en 2011. En fait, la boutique n’est pas née d’un malentendu, mais parce que je me suis fait pousser par tous mes potes qui m’ont dit que, pour eux, j’étais leur disquaire idéal, donc si je l’étais pour eux, potentiellement, je pourrais l’être pour plein d’autres personnes.

Tu es d’abord un collectionneur ?

J. : Oui, un collectionneur depuis l’âge de 10/11 ans. J’ai acheté mon premier 45 tours de Suzi Quatro, « Can The Can », puis c’est parti et ça ne m’a plus jamais lâché.

Que penses-tu de l’implantation des disquaires sur Paris, de la naissance de ‘’All Access’’ jusqu’à maintenant ?

J. : En 2011, c’était une période où la tendance était plutôt à la fermeture des petits disquaires qu’à l’ouverture. Donc, on va dire que j’étais quand même assez à contre-courant de la tendance. À cette époque-là, on ne comptait même pas un disquaire par arrondissement.

En tant que disquaire indépendant, que penses-tu aujourd’hui du travail avec les labels ?

J. : Aujourd’hui, étant donné la réduction drastique des emplois et l’économie des maisons de disques, les labels n’ont plus de représentants ni de commerciaux. Du coup, tout se fait par voies électroniques, newsletter, commande, site, BtoB, etc. On n’est plus du tout sur le mode à l’ancienne où les maisons de disques venaient visiter les disquaires pour leur proposer les nouveautés, etc. En fait, on n’a plus de contact.

Que penses-tu de ce fonctionnement-là ? Es-tu déçu ? Ou est-ce que tu penses que cela mérite d’être amélioré ?

J. : Effectivement, je regrette l’époque où on était visités, où chaque label avait un représentant qui venait faire le tour des disquaires en proposant les nouveautés, en mettant l’accent parfois sur des artistes en développement. Aujourd’hui, on peut passer très facilement au travers, parce que ça a été mon cas plusieurs fois, où je me suis réveillé sur un artiste huit mois après, parce que personne ne me l’avait proposé, et que j’ai fini par le découvrir par hasard. Et pour les quelques distributeurs un peu indés qui, eux, ont des commerciaux qui se déplacent, il y a moins de trous dans la raquette, parce que quand ils sont là, ils connaissent mes goûts, et ils me proposent leur choix et en étant beaucoup plus ciblés. Et je passe à côté de beaucoup moins de groupes.

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Globalement, que penses-tu du ‘Disquaire Day’ ? Qu’est-ce que ça représente pour toi aujourd’hui ? Est-ce que tu trouves que c’est un événement qui régresse ? Est-ce que tu trouves que c’est un événement qui a toujours en le vent en poupe ?

J. : Je trouve que l’idée de base du ‘Record Store Day’ est une idée fantastique. Quand elle a débuté, elle était assez proche, elle était assez fidèle de ce qu’on attendait. Mais au fil des années, je trouve que l’idée a été totalement dévoyée. Et aujourd’hui, c’est devenu juste un gros coup marketing pour les maisons de disques, même si une fois par an, ça met la lumière sur les disquaires indépendants, et parfois pas si indépendants que ça… mais bon, c’est un autre sujet.

Que penses-tu qualitativement des listes du ‘Disquaire Day’ ?

J. : C’est très pauvre. Alors, évidemment, chaque année, il y a des références qui sont intéressantes, mais ça fait facilement 10 ans que je me dis : « est-ce que je vais faire la prochaine édition » ? Évidemment, je la fais, parce qu’il y a 5 voire 6 références qui m’intéressent, et quitte à la faire, j’élargis du coup à d’autres références que je trouve moins excitantes.

Qu’est-ce qui te plaît et te déplaît par rapport à cette liste ?

J. : Je vais commencer par ce que je trouve intéressant : il y a quelques labels, notamment de jazz, qui font des pressages audiophiles, des pressages à partir de bandes totalement inédites ; je trouve que ça correspond bien à l’esprit du ‘Record Store Day’. Après, je trouve que chez les majors essentiellement, plus personne ne connaît le back-catalogue. En fait, on se contente de faire des disques colorés, et proposer un énième picture-disc de The Cure, ou un vinyle coloré de Gil Scott-Heron. Honnêtement, vu les prix pratiqués, je ne trouve pas ça intéressant du tout. Ce qui est dommage, c’est que les majors sont assis sur des back-catalogues de rêves, sauf que, manifestement, personne ne les connaît.

Il existe un live de The Doors, à 80€ pour 3 disques. Tu penses quoi de cette tarification ?

J. : De manière générale, la tarification des disques du ‘Record Store Day’ est juste exorbitante. Et je crois que les clients sont de moins en moins réceptifs, le prix est devenu une vraie barrière, et pas uniquement pour le ‘Record Store Day’ mais aussi en dehors de cet événement. Le prix des vinyles est devenu n’importe quoi. Je vois bien que des clients qui prenaient avant 5/6 disques sans réfléchir en reposent aujourd’hui 3. Et ça, c’est uniquement à cause du prix. Après, l’exemple de The Doors, ça reste quand même des enregistrements inédits, qui existent en bootlegs, mais avec un son dégueulasse. Jusque là, tous les enregistrements live des Doors qui ont été proposés ont été extrêmement bien faits, bien retravaillés, avec un son excellent. Donc, quand on est sur de l’inédit de qualité, le prix se justifie un peu plus. Là où il ne se justifie plus du tout, c’est quand on est sur un pressage de couleur pour un disque qui a été réédité 25 fois.

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En 2025, est-ce que tu penses que l’acte d’achat pour du matériel d’écoute est quelque chose de beaucoup plus réfléchi qu’en 2012 voire en 2014 ? Que penses-tu de la qualité du matériel qui est proposé aujourd’hui par rapport aux années 70/80 ?

J. : C’est toujours pareil. Les fabricants surfent sur le retour du vinyle, c’est clair. Alors, il y a des fabricants qui n’ont jamais cessé de faire des platines, qui ont un savoir-faire, et d’autres qui ont repris la fabrication juste par opportunisme, parce que le vinyle revient sur le devant de la scène. En matière de platine, il y a vraiment à boire et à manger. Je vois des platines qui sont vendues et qui ne sont même pas réglables correctement. Et Dieu sait si le vinyle, c’est quelque chose de très sensible, et si une platine est mal réglée, ça peut vite être la catastrophe. Il faut rester super vigilant, il y a des marques à recommander et d’autres à éviter. Et après, il ne faut pas hésiter non plus à aller sur de la platine vintage, parce qu’à l’époque, c’était la norme, et les fabricants faisaient de très bons produits qui, d’ailleurs, durent encore 40 ans plus tard.

Dernière question (pour les collectionneurs invétérés). Est-ce que, pour toi, un vinyle couleur, ça sonne moins bien qu’un vinyle noir ? Et si oui, pourquoi ?

J. : Il faut savoir que le noir n’est pas la couleur naturelle du vinyle. La technologie a fait d’énormes progrès. Aujourd’hui, le vinyle coloré – hors picture disc – n’est plus forcément une barrière pour la qualité. Il y a même des disques audiophiles qui sont pressés sur des pâtes colorées. On en revient toujours à la même chose : ce qui fait la qualité d’un pressage, c’est la qualité du master. Donc, que ce soit en 180 grammes ou autre, si le master est de mauvaise qualité, le vinyle ne sonnera pas bien du tout, et ça, quelle que soit sa couleur. Pour moi, le vinyle coloré n’est plus forcément un sujet. Le sujet, c’est le master.

Propos recueillis chez ‘All Access’ par Ramblin James pour Monsieur Vinyl

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