30 Mar Interview Exclusive : Alex Henry Foster
Un artiste humaniste, ouvert et ayant le cœur centré sur la communauté. Tels sont les termes par lesquels se définit Alex Henry Foster, originaire de Montréal, qui – depuis plusieurs années – vogue brillamment sur des terres musicales Rock Progressif en compagnie de son groupe The Long Shadows. Avec lui, c’est aussi toute une famille de personnes passionnées qui naviguent à ses côtés. À l’occasion de la sortie prochaine de son lumineux projet musical à paraître le 16 Avril, « Standing Under Bright Lights » – un live capté au Montréal Jazz Festival dont des éditions vinyles sont d’ores et déjà prévues – j’ai invité Alex Henry Foster à répondre à plusieurs de mes questions, notamment au sujet de son activité de fabricant de vinyles, ainsi que sur son périple artistique. Interview.
INTERVIEW EXCLUSIVE ALEX HENRY FOSTER réalisation et supervision par MONSIEUR VINYL / Rédaction des Questions par MONSIEUR VINYL / Relecture par LADY LIVRE / Sous-Titrage par JULIETTE VDN & MONSIEUR VINYL / Musique : « Lavender Sky » par ALEX HENRY FOSTER (Hopeful Tragedy Records) / Merci à Alex Henry Foster et son équipe, Juliette VDN, Lady Livre, Hopeful Tragedy Records et à VOUS qui me soutenez depuis tant d’années ! Merci pour votre reconnaissance ! Un bonjour particulier à tous les Montréalais et habitants du Canada !
Monsieur Vinyl : Bonjour Alex-Henry, j’espère que tu te portes bien ?
Alex Henry Foster : Bonjour Monsieur Vinyl ! Ça va très bien, j’espère que toi aussi tu te portes bien. Je voulais te remercier de l’opportunité que tu m’offres de pouvoir venir partager à propos de l’art, à propos des vinyles, à propos de la musique. Donc merci beaucoup pour ta générosité et pour l’invitation.
M.V. : Quel rapport entretiens-tu avec ta collection de vinyles ? En tant qu’artiste, penses-tu que cela s’arrête uniquement au support ?
AH-F : Pour moi, la collection de vinyles, c’est un peu une page de son existence, parce que – pour moi personnellement – chacun des vinyles que j’ai le bonheur d’avoir, représente un moment vécu, un moment partagé, un instant de communion. Je revois mon père, je revois des amis longtemps perdus, je revois des situations soit de peine soit de joie, mais qui ont été significatives pour moi. Donc chaque album est un peu une page de son propre livre. C’est une belle façon de pouvoir revisiter des trucs, de pouvoir se donner le plaisir de revivre certaines sensations, de revoir certaines personnes, de se replonger dans des souvenirs qui s’étiolent, dans des moments qui nous ont peut-être échappé trop vite. Donc, pour moi, c’est le rapport que j’ai avec ma collection de vinyles, où chacun d’eux représente un instant qui ne pourra jamais s’évanouir, que je peux toujours redécouvrir.
M.V. : Tu fabriques toi-même tes vinyles. Quelle est la genèse de cette autonomie ?
AH-F : Pour moi, ça vient vraiment de l’esprit communautaire, très ‘do it yourself’ du groupe. On avait envie de partager un objet qui, à mon sens, est presque tribal dans sa nature. C’est-à-dire que tu as un vécu avec l’objet, avec surtout son essence qui le caractérise, et en plus tu as le privilège et le bonheur de pouvoir le partager avec d’autres. J’avais envie d’avoir la possibilité de pouvoir faire ce qu’on appelle les ‘Direct-To-Vinyl’, qui sont des enregistrements en direct, en live, directement sur un vinyle. C’était un truc que j’avais vraiment envie de faire, c’est-à-dire un peu revenir à la base de la musique, où les groupes avaient l’occasion d’aller s’enregistrer et c’était un moment qui était capturé. J’avais envie de capturer des moments de cette façon.
Par la suite, lorsqu’on a l’occasion de pouvoir défricher le truc, parce que c’est quand même assez compliqué, moi j’avais envie que ce soit des copies uniques, donc c’est un peu comme faire un master à chaque fois. j’avais envie aussi de développer tout l’aspect visuel, qu’on puisse offrir un esprit très ‘collector’ à ce projet. Donc c’était énormément de travail, de recherches. La courbe d’apprentissage s’est faite très doucement. On a probablement, certains d’entre nous – d’ailleurs je salue Ben qui est le grand chef derrière ce merveilleux département du vinyle dans l’équipe, qui est également le guitariste du groupe – on a passé beaucoup de nuits blanches sur la résolution de problèmes, parce qu’on avait tellement à cœur cette vision, de partager ces moments uniques, que ça transcendait un peu la difficulté d’y parvenir. Ben est allé en Allemagne, apprendre des trucs, c’est dingue ! Un long voyage ! Et je peux vous dire que le premier vinyle qu’on a réussi à ‘cutter’ chez nous, c’était une célébration… Donc si vous pouvez lire entre les lignes…
M.V. : Quelles sont les machines utilisées ? Sont-elles développées artisanalement ?
AH-F : Les machines qu’on utilise, c’est la technologie du ‘lathe cut’. Comme je le mentionnais précédemment, c’est un peu l’étape de faire un master à chaque fois. Donc, tu es vraiment en ‘real time’, chaque copie est unique, tu dois t’y commettre. Donc, on a continué à développer selon notre son à nous, on a continué à développer la machine, on a continué à l’ajuster à notre façon, parce que nous on a un son particulier, il y a des trucs qu’on voulait aller toucher dans le son, dans l’image du son. Donc, ça nous a forcés à aller beaucoup plus loin, à développer nos propres trucs à la fois artisanaux, et aussi avec les connaissances qu’on avait de studio, sans dénaturer la machine comme telle et le projet. Autrement dit, on n’avait pas envie que ça sonne comme un CD, on ne voulait pas que ça sonne parfait, on avait envie de cette chaleur, de cette authenticité, qui reflète notre musique. D’autres personnes peuvent avoir une autre perspective, un autre désir, sauf que nous, on a remodelé notre équipement en lien avec ce que nous sommes. L’instrument devenait au service de l’émotion, et de la création et non pas l’inverse.
M.V. : Y a-t-il aussi un rapport environnemental au projet ?
AH-F : Oui, il y a un rapport environnemental. Dès le départ, comme on utilise certaines matières, c’était important qu’on puisse avoir un truc ‘eco friendly’, qui allait pouvoir respecter nos valeurs dans la matière, qui allait pouvoir respecter notre vision environnementale, mais aussi respecter la part entrepreneuriale qu’on avait. Donc, la nature du projet était basée, comme à peu près tout ce qu’on fait, sur nos valeurs. C’est sûr que ce département aurait les mêmes valeurs.
M.V. : L’album « Windows In The Sky » a été autoproduit en vinyle. Au sein du groupe, avez-vous voulu apporter au public quelque chose de supplémentaire dans cette fabrication ? Une couleur, une atmosphère, une place plus importante au visuel, à l’image de votre musique ?
AH-F : Absolument, à chaque fois qu’on veut aborder un nouveau projet, à chaque fois qu’on a envie de partager des trucs avec les gens pour moi c’est fondamental de revisiter la chanson, de voir un différent angle. On est un des seuls, en tous cas dont j’ai connaissance, où on fait notre propre design en sérigraphie sur le vinyle, donc on est toujours à se développer, on est toujours à pousser un peu plus loin, en lien non pas avec la technique, mais en lien avec l’émotion qu’on veut que le projet porte. Donc, que ce soient les paroles, que ce soient le visuel, les couleurs, il y a cet aspect très tactile dans nos projets, car on part de la matière première, l’émotion qu’on vit, on en fait une chanson, on l’enregistre en live, ensuite Ben va ‘cutter’ le vinyle, puis on développe tout l’aspect visuel en lien avec l’émotion, on va appliquer la sérigraphie. Donc, pour nous, chaque étape est très humaine, car chaque personne se doit de manipuler le produit avec délicatesse, mais doit surtout s’y investir. Donc lorsqu’on s’y investit, nécessairement il y a une valeur qui vient avec l’objet. Tu n’as plus un rapport commercial. Ça devient vraiment quelque chose qui est plus personnel, qui est beaucoup plus intime, avec lequel on prend vraiment plaisir de partager par la suite dans le même esprit d’intimité avec les gens. Donc, pour nous, c’est très précieux. Ça représente tout ce que l’on est dans notre travail, dans nos valeurs, dans notre esprit artistique, communautaire, et dans notre rapport à l’autre aussi.
M.V. : Comment la distribution de vos vinyles est-elle être gérée ? Est-ce que les stocks de vinyles sont uniquement écoulés à partir du site internet ?
AH-F : Ça, c’est un grand dilemme pour nous lorsqu’on a abordé la question. Nous avions différentes alternatives et options, mais, comme un peu tout le monde, nous sommes assujettis aux circonstances actuelles. Donc, pour nous, ce qui était plus simple pour que tous puissent avoir accès à l’album plus vite, c’était de passer par mon site internet– qui est alexhenryfoster.com – et nous avons une boutique qui est dédiée à la France, donc c’est super simple. Tout est vraiment d’une facilité déconcertante ! Donc vous pouvez vous procurer l’album sur ma boutique et aussi, pour moi, ça me permet de communiquer avec vous de façon plus humaine. Pour ceux qui n’ont pas encore commandé sur ma boutique, je me fais un plaisir jaloux d’écrire à chaque personne qui prend le temps de venir me découvrir, qui prend le temps aussi de me soutenir, de partager, de communier. Donc, c’est ma façon de maintenir cet aspect très humain dans la communication. Ça transcende aussi un peu la distance des réseaux sociaux. C’est un peu devenu un ‘running gag’, mais je m’applique à écrire un peu mieux à chaque fois, donc pour ceux qui ont déjà reçu une de mes lettres, ils vont savoir de quoi je parle ! Et pour ceux qui s’apprêtent à commander, vous allez voir qu’il faut une bonne capacité de décodage ! Mais bon, voilà, c’est l’aspect très humain dans cette démarche.
M.V. : « Le Vinyle c’est la Vie », es-tu d’accord avec cette formule ?
AH-F : Je crois que c’est ce qui incarne le mieux ce que veut dire vivre le moment. C’est ce qui me vient à l’esprit.
M.V. : Merci à toi Alex Henry !
AH-F : Encore merci Monsieur Vinyl !