30 Mai Le cosmos de Vangelis 🌌 10 vinyles du maître
Evangelos. Papathanassiou. Vangelis. Tant de noms accolés à ce musicien grec prolifique qui a rejoint le ciel de la pochette de « Spiral » en cette année 2022. Ce créateur d’hymnes et de thèmes – qui aura marqué de nombreuses générations de musiciens – est devenu malgré lui un pionnier de la musique électronique aux côtés de ses illustres frères de route (Jean-Michel Jarre, Klaus Schulze, Kraftwerk,…). Voici une sélection de mes albums préférés de Vangelis.
Heaven And Hell (1975)
Pressage français / RCA Victor / RS 1025
C’est le premier album où le musicien va se présenter sous l’unique nom de Vangelis, reléguant Papathanassíou aux archives. Cet album, publié en 1975 et enregistré à Londres, est une véritable petite symphonie électronique et vocale qui, comme son titre l’indique, est divisée en deux parties : le paradis et l’enfer. Chaque face de votre vinyle vous fera donc vivre un univers musical différent. « Heaven And Hell » va concrètement apporter les premières bases du futur travail de Vangelis.
C’est aussi la période où Vangelis rencontre indirectement Jon Anderson dans l’optique de remplacer Rick Wakeman, claviériste du groupe Yes. Finalement, c’est Anderson qui rejoindra Vangelis pour une première collaboration prometteuse. « Heaven And Hell » renferme également un thème qui deviendra le générique de la série de documentaires ‘Cosmos’.
Albedo 0.39 (1975)
Pressage français / RCA Victor / RS 1080
Vangelis travaille très vite, et seulement un an après « Heaven And Hell », voilà qu’apparaît « Albedo 0.39 ». Et lorsqu’on parle de cet album (plutôt expérimental au demeurant), on ne peut que penser au morceau « Pulstar », véritable hymne électronique (ultra diffusé en guise de générique pour la télévision et la radio). D’ailleurs, Vangelis commence à devenir un spécialiste incontesté pour créer des thèmes inoubliables. C’est également dans cet album que l’on croise le morceau « Alpha », qui se retrouvera placé sur la face B du 45 tours publié en parallèle à « Albedo 0.39 ».
Quant au titre de l’album, il fait référence à un calcul scientifique portant sur la réflexion et l’absorption de la lumière solaire ; celle-ci s’exprimant soit en pourcentage soit par un chiffre situé entre 0 et 1, il est conclut que l’albédo de la Terre est de 39% (ou 0,39), d’où le titre de cet album.
Spiral (1977)
Pressage allemand / RCA Victor / PL 70019
La pochette mythique de « Spiral » est peut-être, qui sait, un emprunt involontaire au travail de Trevor Key pour « Tubular Bells » de Mike Oldfield ? Au-delà de ça, c’est l’un des premiers albums de Vangelis qui se veut plutôt accessible au grand public, malgré la longueur de ces morceaux progressifs et, intrinsèquement, par le nombre réduit de ses pistes. Désormais reconnu comme un créateur de thèmes hors pair, Vangelis en use. Fidèle à lui-même, Vangelis introduit l’album avec un morceau empruntant une nouvelle fois les allures d’une symphonie électronique.
Nous sommes en 1977, et les synthétiseurs n’ont plus que quelques années avant de connaître une révolution numérique. Vangelis opte alors pour le très analogique Yamaha CS-80, doté d’un clavier sensible et véloce, et va l’utiliser au-delà de ses capacités pour en retirer un son avant-gardiste ; c’est ainsi que « Spiral » est habillé par un choix sonore totalement novateur pour l’époque.
L’album accueille également la très populaire « To The Unknown Man » qui deviendra, en France, l’indicatif de l’émission ‘La Vie Qui Va » diffusé sur France Inter. Enfin, soulignons le texte inscrit sur la pochette avant : « going on mean going far… going far means returning » extrait du texte taoïste « Dao De Jing ».
China (1979)
Pressage français / Polydor / 2310 658
Comment passer à côté de « China » ? Un album sublime, où Vangelis – toujours en avance sur son propre temps – y exprime dans ses notes toute une saveur asiatique. Le musicien vient de quitter RCA pour Polydor. En écoutant cet opus, on a évidemment une pensée pour « Concerts In China » de Jean-Michel Jarre qui débarquera pourtant trois années plus tard (le rapprochement entre « The Tao Of Love » et « Jonques de Pêcheurs Au Crépuscule » semble évident). « China » amène la fusion des instruments numériques au celui des instruments traditionnels, ce qui lui donne un certain charme. À certains endroits, on peut même y entendre les prémices d’un futur « Antarctica ».
Antarctica (1983)
Pressage japonais / Polydor / 28MM 0290
Bien après le succès de « The Chariots Of Fire » et de la bande originale de « Blade Runner », Vangelis fait briller les années quatre-vingt avec le très bel « Antarctica », dans lequel il utilise tout le potentiel de la technologie du moment, et même au-delà. Cela confère à l’album une dimension musicale totalement incroyable. Cela donnera une forte identité au film-documentaire de Koreyoshi Kurahara dont il illustrera les images en 1983.
Longues plages d’accords, séquenceurs, voyage numérique de l’autre côté du globe, mixage futuriste transforment ainsi Vangelis en un maître du son qui, après cet opus, ne s’exprimera plus jamais artistiquement de la même façon. Les terres japonaises sont donc conquises. D’ailleurs, au vu de l’importance historique de « Antarctica » dans la vaste discographie de Vangelis, l’album viendra titiller d’autres oreilles à l’échelle internationale cinq ans après sa parution au Japon. Personne n’échappera à « Antarctica ».
Soil Festivities (1984)
Pressage allemand / Polydor / 823 396-1
« Soil Festivities » reste l’un de mes albums préférés dans la discographie de Vangelis. Moins populaire que d’autres albums de sa discographie, il mérite néanmoins d’être découvert et écouté. Pour le musicien, c’est un peu une sorte de retour aux sources, même si l’on y ressent tout de même toute l’expérience supplémentaire qu’il aura acquise au fil des années. Par la même occasion, il amorce avec le contemplatif « Soil Festivities » un triptyque d’albums hyper intéressants (« Mask », « Invisible Connections »). Ici, Vangelis se fait plaisir, ne cherchant pas à capitaliser sur son travail, et dénué d’ambition de vendre des millions de copies. C’est la période la plus intéressante du pionnier.
Mask (1985)
Pressage français / Polydor / 825 245-1
Un après après « Soil Festivities », Vangelis revient avec « Mask », un album dramatique et majestueux partitionné en six mouvements, et dans lequel les voix trouvent une place prépondérante. Une sorte d’opéra moderne où se mêlent le son des arpégiateurs aux chorales. Il préannonce, à certains moments, ce que deviendra la bande originale de « 1492 ». C’est également le dernier album que Vangelis proposera dans le catalogue Polydor avant de rejoindre plus longuement EastWest à partir de 1990.
The City (1990)
Pressage allemand / EastWest / 9031-73026-1
1990. Vangelis sort totalement du cadre avec « The City », véritable chef d’œuvre à mes yeux, qui vous emmène dans les confins d’une ville futuriste. Saxophone, boîtes à rythme, piano électronique, voix féminine parlée (ici apportée par l’actrice Emmanuelle Seigner) se mélangent dans cet album atmosphérique, à l’ambiance urbaine ultra communicative.
« The City » s’avère totalement inscrit dans l’ère du temps au moment de sa publication. Fait surprenant, l’opus fût enregistré dans une chambre d’hôtel à Rome dans laquelle Vangelis séjournait pour assister au tournage du film « Bitter Moon » de Roman Polanski. Comme quoi, ce n’est pas toujours le lieu qui fait naître un bon album.
1492 : Conquest Of Paradise (1992)
Pressage allemand / EastWest / 4509-91014-1
Si l’on rattache beaucoup Vangelis au cinéma en citant « The Chariots Of Fire » ou « Blade Runner », il ne faut surtout pas oublier d’évoquer « 1492 : Conquest Of Paradise ». Ce film de Ridley Scott projeté sur les écrans en 1992, et dans lequel excelle un Gérard Depardieu talentueux, aurait eu une saveur différente sans la musique composée par Vangelis. Une nouvelle fois, le musicien apporte son savoir-faire sur le terrain de l’hymne ; c’est ainsi que, en 1992, débarque le morceau « Conquest Of Paradise » dans les oreilles de nombreux spectateurs. Celui-ci restera gravé, à son tour, dans l’inconscient collectif.
« 1492 » est une bande originale majeure dans la discographie de Vangelis et certainement la plus mémorable, de part la savante utilisation des chœurs, l’harmonie de ses séquences ethniques, et la précision de son mixage. Et dire que cet enregistrement avant dix ans d’avance sur le premier album de Era (écoutez « Hisponola »)…
Alexandre (2004)
Pressage européen / Music On Vinyl / MOVATM195
Cette bande originale de « Alexander », articulée autour du film du même nom mené par Oliver Stone, est un ultime soubresaut effectué par le maître. Épique, majestueux, poignant, Vangelis y apporte tout son savoir-faire, lui qui avait pourtant déserté pendant douze années la composition pour le cinéma. La technologie étant désormais mûre, et son expérience n’étant plus à prouver, le musicien grec apporte une B.O. sensationnelle, avec plusieurs degrés de lecture et des multi-thèmes dont lui seul a le secret.
Tout en conservant la patte atmosphérique qu’on lui connaît, il mélange les instruments traditionnels aux nappes numériques avec talent, en n’oubliant pas d’y intégrer des chœurs puissants et dignes d’un opéra tragique. « Alexander » est un bijou sonore, et une forme d’apothéose dans la carrière de Vangelis, l’enregistrement symphonique étant enfin rentré en parfaite symbiose avec le maître contemporain.